26/08/2013
Morceaux choisis - Homero Aridjis
Homero Aridjis
merci à Ambre O
Quand je parlerai avec le silence quand je n'aurai qu'une suitede dimanches gris à te donner quand je n'aurai qu'un lit videpour partager avec toi un désirqui ne satisfera plus des corps de ce monde quand les paroles en castillan ne m'aideront pluspour te dire ce que je serai en train de voir quand je serai privé de voix de regard de mouvement quand loin de moi j'aurai jetéla peur de mourir de n'importe quelle mort quand je n'aurai plus le tremps d'être moi-mêmeni envie d'être quelqu'un que jamais je n'aurai été quand je n'aurai plus que l'éternité à t'offrirune éternité de riens et d'oublis une éternité dans laquelle je ne pourrai plus ni te voirni te toucher te rendre jalouse ni te tuer quand à moi-même je ne me répondrai pluset que je n'aurai plus ni jour ni corps alors je serai à toialors je t'aimerai pour toujoursHomero Aridjis, Les poèmes solaires, précédé de Le poète en voie d'extinction, et suivi de Baleine grise (Mercure de France, 2009)
traduit du sud-américain par Ivan Alechine
image: William-Adolphe Bouguereau, Ave de printemps / 1901 (repfineart.com)
05:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
10/08/2013
Lire les classiques - John Keats
John Keats
Tout objet de beauté est une joie éternelle:Le charme en croît sans cesse;jamais Il ne glissera dans le néant,mais il gardera toujours pour nous une paisible retraite,un sommeil habité de doux songes,plein de santé, et qui paisiblement respire. Aussi, chaque matin, tressons-nous des guirlandes de fleurspour mieux nous lier à la terre,malgré les désespoirs et la cruelle disettede nobles natures, malgré les sombres journéeset tous les sentiers malsains et enténébrésouverts à notre quête;oui, malgré tout cela, une forme de beautéécarte le suaire de nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune, les arbres vieux ou jeunesqui offrent le bienfait de leurs printaniers ombragesaux humbles brebis;tels sont encore les narcisses et le monde verdoyant où ils se logent,les ruisseaux limpides qui se bâtissent un frais couverten vue de l'ardente saison.
John Keats, Endymion / extrait, dans: Poèmes choisis - édition bilingue (Aubier, 1968)
traduit de l'anglais par Albert Laffay
image: Antonio Corradini, Endymion (theartnewspaper.com)
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08/08/2013
Morceaux choisis - Aurélia Lassaque
Aurélia Lassaque
Nous creuserons de nouveaux sillonsque nous couvrirons de cendre.Nous verrons mourir le vent qui charrie l'oubli.J'aurai des pommes dans ma pochevolées à plus pauvre que moi.Nous les pèlerons avec des épées.Et avec les restes de nos rêvesnous en bâtirons d'autrespar-delà les feuxet la frontière du regard.
Aurélia Lassaque, dans: Pas d'ici, pas d'ailleurs - Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines / présentation et choix: Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire / préface: Déborah Heissler (Voix d'Encre, 2012)
image: Dace Liela, On the Beach / 2000 (regard-est.com)
07:44 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
03/08/2013
Morceaux choisis - René Char
René Char
merci à Josette Simone A
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?
René Char, Allégeance, dans: Eloge d'une soupçonnée, précédé d'autres poèmes 1973-1987 (coll. Poésie/Gallimard, 2001)
Poème lu par René Char
image: meknessiiya.skyrock.com
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02/08/2013
Lire les classiques - Gérard de Nerval
Gérard de Nerval
Il est un air, pour qui je donnerais,Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber. Un air très vieux, languissant et funèbre,Qui pour moi seul a des charmes secrets! Or, chaque fois que je viens à l'entendre,De deux cents ans mon âme rajeunit...C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendreUn coteau vert, que le couchant jaunit; Puis un château de brique à coins de pierre,Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,Ceint de grands parcs, avec une rivièreBaignant ses pieds, qui coule entre les fleurs; Puis une dame à sa haute fenêtre,Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,Que dans une autre existence peut-être,J'ai déjà vue...et dont je me souviens!
Gérard de Nerval, Fantaisie, dans: Claire Julliard, Petite anthologie des plus beaux poèmes du bonheur (L'Instant Cupcake, 2013)
image: Edmund Blair Leighton, The End of The Song (canvaspaintingforsale.com)
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26/07/2013
Lire les classiques - Paul Verlaine
Paul Verlaine
Va, chanson, à tire-d'aileAu-devant d'elle, et dis-luiBien que dans mon coeur fidèleUn rayon joyeux a lui, Dissipant, lumière sainte,Ces ténèbres de l'amour:Méfiance, doute, crainte,Et que voici le grand jour! Longtemps craintive et muette,Entendez-vous? La gaîté,Comme une vive alouette,Dans le ciel clair a chanté. Va donc, chanson ingénue,Et que, sans nul regret vain,Elle soit la bienvenueCelle qui revient enfin.
Paul Verlaine, Va, chanson, à tire-d’aile, dans: La bonne chanson, Jadis et naguère, Parallèlement (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
image: Eugène Carrière, Paul Verlaine / 1891 (eugenecarriere.com)
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19/07/2013
Morceaux choisis - André Velter
André Velter
La nuit ne cache rienElle ouvre son baiser sombreSon brasier d'étoiles filantesQui tombent du côté des cendresEt la Grande Migration a déjà commencé De très haut le regard se surprendA plus haut que luiUne idée fixe et mouvantePour débusquer la voie délivrée des ombresSorte de secret révéléQui met des bleus aux épaules et aux cuisses On monte à coups de reinsDans un écho venu de loinQui depuis longtemps ne s'entend plusQue les yeux à la renverse Notre histoire en appelle au sens ascendantCelui du réel inouïCelui des légendes vraies Le vertige se cantonne au dedansNuage en chute libreDe la bouche jusqu'au ventreAvec son charroi de ressouvenirs En rappel sur la paroi c'est autre choseUne éclaircie des muscles des osUn sursaut hors de toutA une corde près qui vibre contre les pierres Etre là dans ce gouffre aboliSi fier de répondre à son propre défiRessuscité d'entre les cicatricesEt délesté enfin Et invincible encoreAndré Velter, Hors de tout, dans: Avec un peu plus de ciel (Gallimard, 2012)
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18/07/2013
Morceaux choisis - Nazim Hikmet
Nazim Hikmet
merci à Monique D
Si j'étais platane si je me reposais à son ombre si j'étais livre que je lirais sans ennui dans mes nuits d'insomnie crayon, je ne voudrais pas l'être même pas entre mes propres doigts si j'étais porte je m'ouvrirais aux bons je me fermerais aux méchants si j'étais fenêtre une fenêtre sans rideaux grande ouverte si j'étais verbe si je vous appelais au beau au juste au vrai si j'étais parole je dirais mon amour doucement, tout doucementNazim Hikmet, cité par John Berger (bleublancturc.com)
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14/07/2013
Lire les classiques - Emily Dickinson
Emily Dickinson
Sous la lumière, très en dessous,Sous l'herbe et la boue,Sous la cave du scarabéeSous la racine du trèfle, Plus loin que ne s'étend un brasMême celui d'un géant,Plus loin que ne pourrait le soleilSi le jour durait une année, Par-dessus la lumière, très au-dessus,Par-dessus l'arc que décrit l'oiseau -Par-dessus la cheminée de la comète -Par-dessus la tête de cent coudées, Plus loin que ne peut galoper la conjecturePlus loin que ne peut chevaucher l'énigme -Comment calculer la courbe de la distanceEntre nous et les morts!Emily Dickinson, "Poésies complètes, 1865", édition bilingue (Flammarion, 2009)
Traduction: Françoise Delphy
image: Gabriel Joseph Ferrier, Evening (1911)
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01/07/2013
Lire les classiques - François de Malherbe
François de Malherbe
Beauté de qui la grâce étonne la nature,Il faut donc que je cède à l'injure du sort,Que je vous abandonne, et loin de votre portM'en aille au gré du vent suivre mon aventure. Il n'est ennui si grand que celui que j'endure:Et la seule raison qui m'empêche la mort,C'est le doute que j'ai que ce dernier effortNe fût mal employé pour une âme si dure. Caliste, où pensez-vous? qu'avez-vous entrepris?Vous résoudrez-vous point à borner ce mépris,Qui de ma patience indignement se joue? Mais, ô de mon erreur l'étrange nouveauté,Je vous souhaite douce, et toutefois j'avoueQue je dois mon salut à votre cruauté.
François de Malherbe, Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1997)
image: Elisabeth Louise Vigée-Lebrun, La baigneuse (s644.photobucket.com)
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